Le Vieux Marchand et le Lutin

Il y a bien longtemps, dans un village très lointain, vivait un Vieux Marchand de jouets.

Il était vraiment très vieux, et avait de plus en plus de mal à tenir sa boutique. Sa vue baissait et ses mains tremblaient sans cesse. Ses gestes étaient moins précis et il n’était plus sûr de lui. À cause de cela, les jouets qu’il fabriquait étaient de plus en plus grossiers et de moins bonne qualité. Ils se vendaient très mal et le Vieil Homme ne récoltait presque plus d’argent.

Un soir d’hiver, alors qu’il neigeait abondamment et que le vent était glacial, le Vieux Marchand qui peinait à rentrer chez lui, aperçu quelque chose qui bougeait dans la neige.

Il se baissa avec difficulté et regarda de plus près l’objet de son attention. Il crut d’abord que sa vue lui jouait des tours… puis il se rendit compte qu’il y avait bel et bien un Petit Être grelottant, enfoui dans la neige.

Il s’agissait d’une sorte d’homme, mais mesurant seulement quelques centimètres, très vieux, avec une barbe épaisse et un long nez. Il était vêtu de haillons verts et bruns, de chaussures aux bouts allongés, et d’un bonnet pointu.

Le Vieux Marchand prit le Petit Homme au creux de ses mitaines pour le réchauffer et le questionna :

– Qui es-tu ? Et que fais-tu là ?

– Je suis un Lutin et je me suis perdu en chemin. Je n’ai plus de maître et j’en recherche un. Si vous m’acceptez au sein de votre foyer, j’accomplirai toutes vos tâches domestiques dès la nuit tombée.

En entendant cela, la curiosité du Vieil Homme fut tout de suite attisée : 

– Cela signifie-t-il que tu pourrais m’aider à la boutique ? En confectionnant des jouets par exemple ?

– Je vous aiderai volontiers, que ce soit dans votre maison ou dans votre atelier.

Le Vieux Marchand, fou de joie, accepta sur le champ la proposition du Lutin et devint son nouveau maître.

Il l’emporta chez lui et, dès la nuit suivante, le Lutin se mit à l’ouvrage avec entrain.

***

En peu de temps, la boutique proposa de très beaux jouets, originaux et d’une qualité rare. Les habitants du village entier se mirent à en parler et à recommander ce merveilleux magasin. Les affaires reprirent enfin, au grand bonheur du Vieux Marchand.

Il put enfin rembourser ses dettes et commença à gagner un peu d’argent.

Seulement, les commandes se multiplièrent à une vitesse folle alors que les jouets n’étaient pas encore fabriqués. Mais cela n’empêcha pas le Vieux Marchand de toutes les accepter.

Bien vite, il devint terriblement anxieux et extrêmement nerveux. Il fallait que tout soit près en temps et en heure et il se rendait bien compte que le Lutin n’allait pas assez vite.

Le Vieil Homme le pressa alors de redoubler d’efforts, et pour cela l’obligea à travailler sans s’arrêter, non seulement la nuit, mais également le jour.

Le Petit Lutin avertit le Vieux Marchand :

– Vous êtes le maître du foyer, je me dois de toujours vous aider. Pourtant si je n’ai aucun répit, je mourrai de mélancolie. 

– Mais tu ne peux pas arrêter ! Si je ne livre pas les jouets à temps, je perdrai toute crédibilité et je ferai faillite…

***

Dès lors, le cœur du Lutin commença à s’emplir de chagrin.

Pourtant, cela ne l’empêcha pas de travailler sans relâche pour aider le Vieux Marchand, alors que celui-ci pensait seulement à compter son argent.

Le Petit Être devint de plus en plus faible, et la mélancolie finit par s’emparer totalement de lui.

Un soir, alors qu’il était encore en train de travailler, il s’effondra.

Le Vieil Homme voyant cela, l’attrapa fou de rage et le secoua pour le réveiller. Mais son corps était devenu aussi mou qu’une poupée de chiffon. Le Petit Être s’était éteint.

Le Vieux Marchand n’eut pas le temps de réaliser ce qu’il avait fait, que déjà des bruits étranges parcouraient tout l’atelier.

Il regarda autour de lui, et aperçut effrayé, une multitude de Lutins jaillir de tous les recoins de la pièce. Sous les portes, par la cheminée, par les trous des murs et entre les lattes du parquet.

En moins de temps qu’il n’en faut pour respirer, le Vieil Homme fut encerclé par une immense famille de Lutins, tous extrêmement petits, mais de taille et d’âge différent.

Le Vieux Marchand terrorisé, resta pétrifié.

Le plus âgé des Lutins monta sur la table la plus haute et lui dit :

– Vous avez pris la vie d’un des nôtres, de la pire façon qui soit pour un lutin. À présent, votre vie nous appartient. Mais notre sentence sera bien pire que la mort, vous subirez ce que vous lui avez infligé mais pour l’éternité.

Aussitôt dit, aussitôt fait.

Les Lutins disparurent comme par magie, en emportant avec eux le Vieux Marchand et le corps du Lutin.

Ils emmenèrent le Vieil Homme au Pôle Nord et l’emprisonnèrent dans un immense atelier.

Il y fut contraint et forcé d’y fabriquer des jouets, sans aucun répit et jusqu’à la fin des temps.

Et n’eut le droit de sortir qu’une seule fois par an, le vingt-cinq Décembre, pour distribuer ses présents.

Fin

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